La poésie ne veut pas exactement laisser de traces ; elle vous force au bond : d'abord.
Vous ne vous attendiez pas à l'insaisissable: vous voilà servi. D'un temps à l'issue incertaine, qu'elle surgisse à gauche, elle est fructueuse, à droite, et c'est la sècheresse - à moins que ce ne soit l'inverse.
Avec elle le poëme comme poulain de pure sève, la poésie est chez elle, c'est-à-dire chez vous, et en fait un peu partout - ou bien précisément l'inverse.
Là, par exemple, prise au piège,
(et quoi de plus mal-à-droit qu'un poëme?) la poésie est à emporter: en éclats d'amour, de raisons, d'irraison, de rage (calmes sous leurs dents fauves); dans tout cela, je me suis quelque peu égaré. Ainsi, qu'est-ce ?
De la poésie, tout simplement.
Et c'est encor la meilleure manière que nous connaissions pour prévenir la fin du monde, vaincre la mort quotidienne et l'irrémédiable de la solitude.
Quelques extraits:
(SANS TITRE)
ARTÉMIDE
J’ai écrit hier soir pour ce soir
Pour vous dire que ce soir n’est pas n’importe lequel
Ce soir où les mots passent
Au Take out, à l’emportée
N’importe lesquels du moment qu’on y croit
J’ai écrit hier soir à la suite de tous les autres
Avec l’espoir pour maîtresse et des cauchemars d’allégresse
J’ai écrit hier soir en nous sentant déjà là
Au fond de ce terrier publique
À l’heure d’un monde privé de place
Où c’est à présent sous la terre qu’il fait clair
Sous la terre que nous parvenons à sentir le ciel
J’ai écrit hier soir de ma main pour le crier ce soir
Où nous serons peut-être trois ou quatre ou cent mémoires
L’air de rien, remplis d’air à souffler sur le fleuve
Pour qu’il retourne là d’où il vient
Et qu’avec lui la mer recouvre le futur du nouveau monde
Et ne laisse flotter que ce qui est venu au nom de ce qui vient
Pour enfin partager l’avec du monde nouveau
J’ai écrit hier soir
Sans autre histoire que celle qui me lie à hier et à demain
Pour vous dire ce soir : nous sommes bienvenus chez nous!
COMBIEN
RAPHAËL GASPARD
Égratigne moi encore le mot pas dit elle coule creux la fenêtre pluie détache du verre une goutte sur beaucoup d’envie petits morceaux boutons d’eau dans le parc.
Aujourd’hui deux épluche trois pigeons suspend quatre surprend encore le matin triture rêve qu’elle a fait un peu de radio hier nuit ne connaît rien musique n’est pas il parle du mouvement elle sait que personne regarde alors chuchote la noche comme le jazz musique du moment, et bien c’est elle qui la fait danser.
Mais tout ça n’est pas de la musique une fois la nuit l’oreille dans un bruit d’instruments une croûte de lumières la ville dit rien coupe en deux le soir.
Pianissimo désir avec grand orchestre pour plus jamais demi matin. Que l’hiver en carcasse ne s’arrête jamais et je pourrai venir te voir dans le parc cinq pigeons un peu trop s’allonge un café emporte du vent dans tes cheveux six chevaux débiles y tournent en rond que tu feras taire.
Place acouphène on revient tout mouillé d’une pause dans le silence tes bras coquillages sonores que sont tes seins reflux où le voyage s’arrête le sable aux plantations ta voie texture les alizés est un pays bave d’écume pulpe et miroir d’astres le jour.
Là-bas ce n’est plus si loin.
C’est tout.
Et il fait toujours froid.
PO_AIME #13
ELKAHNA TALBI
Pourquoi autant
De lenteur
Ça sent la boule à mites
Dans mon tiroir cœur.
Ton retour est-il un mythe
Pourquoi tant de détours.
Même si jadis tu m’as froissée.
Je veux te voir repasser par mon chevet
J’ai couvert de fer mes mains de velours
Je sais le proverbe dit le contraire
Mais j’ai l’orgueil un peu trop lourd.
Dis- moi Temps dois-je
Encore croire à ton mouvement?
L’heure peut être reculé,
Cela n’arrête pas la terre de tourner.
Dans un coin près de mon lit baldaquin
Le sol s’est couvert de poussières
Vestige de petit rêve… J’espère encore que
Les restes d’hier seront la sève de demain
Dis- moi Temps
Es-tu perdu dans l’océan?
Alors attends
Je viens à ta rescousse.
Une course pour sauver les derniers instants.
J’ai sorti le, temps des turbulences marine
Il avait de l’eau plein les narines
Dis- moi Temps
Tu n’es pas un charlatan,
Un vendeur d’espoirs usés.
Je t’en pris
Temps apprend-moi
La patience d’aimé, des mots déments, des mots d’amis, des mots d’amant, des mots d’amours.
Alors le temps me dit
Du tic au tac et de
L’eau en bouche
Voilà ma chère,
Je t’ai apporté un cadeau.
Rien de dispendieux ou d’odieux
Une petite pensée qui va te plaire
Avec ceci à l’avenir, tu ne laisseras plus le temps passé…
Donc, je pris le présent entre les mains du Temps, à souffle court,
et sous son emballage de délicatesse,
J’ai découvert que le temps m’avait offert, l’amour.
CADILLAC MOON (extraits)
ROBBERT FORTIN
(à la mémoire de Jean-Michel Basquiat)
Comprendre commence par la couleur Black
ce corps noir enduit de plumes et de goudron
fers ou coton que préfères-tu
as a result of inachevé
choisis quand même ta croix
la vie ne peut pas s’arrêter à périssable
déclare que tu es mort
que l’Afrique succède à Guernica
Kill lies all
tu pourras accomplir
ce que l’enfant a creusé
comme lumière sur tes paumes
rien ne t’oblige à l’ombre ou au péril
nothing to be gained here
à ta nuit ajoute cendres sur tes vêtements
fourrure d’hermine sur tes épaules
toutes les dix secondes trace sur ta toile
un large cercle noir la terre
bague de pastel gras
pétrie par le soleil
tes plus beaux gestes auront vécu
pour ce qui reste en nous d’humain
on croira qu’un hymne a traversé nos yeux
que peindre
comment faire émerger le feu
nommer la liberté
assassiner la peinture
à partir d’une grammaire d’esclave
et d’une couronne d’or dans une ruelle
SAMO c’est bruyant comme la mort
Gray comme le plomb sur White Street
ça tournoie sur le mur comme un crachat
contre le monde de l’art qui a perdu tout sens
SAMO c’est un tag fixe sans domicile
un blues qui sent le cuir et l’huile
un jazz métallique comme l’odeur de la coke
une alternative à Dieu au SAMe Old shit
un poing tam-tam dans un halo de lait
[…]
show us ce regard qui ne supporte pas
le pollen de la lumière
devant une porte de réfrigérateur
show us Dizzy Miles
et la plaie secrète de la musique
show us Ali Sugar Ray
les coups ça oblige à serer les dents
devant quelque chose qui tombe
show us Joe Louis entouré de serpents
Aaron comme icône d’une jeunesse
à court d’arguments
coupe-toi la langue et peins
l’arc-en-ciel dans des désordres d’enfance
[…]
show us black
no matter how you say it
no matter how you write it
black is a poet on cloud nine
mais nous ne survivrons pas à la cure
show us black
no matter how you paint it
copyright est un tableau créole
vivant comme a Dark Race Horse
dans la beauté de la nuit
[...]
Aucun commentaire:
Publier un commentaire