Ce retour sur les derniers mois s'impose ici. Aussi, afin de vous donner une impression de cet évènement poétique qui naturellement nous dépasse presque totalement, nous livrerons pêle-mêle les souvenirs qui nous viennent à l’esprit. Bien sûr il serait sûrement d’à propos de dire d’abord et avant tout merci à tous ceux qui ont participés aux dernières soirées Mot de Passe, puisqu’étant un microuvert suivant immédiatement la présentation traditionnelle de l’auteur du mois, ce sont toujours les gens dans la salle qui font eux-mêmes la soirée, et non pas nous seuls, si loin de là.
Les derniers mois ? tonnerre ! D’abord, notons particulièrement qu'outre la présentation du début, qui par ailleurs se raffine et dont on se délecte de plus en plus, plusieurs nous ont en plus fait découvrir des auteurs plus ou moins connus dont ils appréciaient particulièrement tel ou tel passage qu’ils ont lu et partagé. Ce geste est toujours riche et sera toujours estimé. Notons au sein du nombre effarant de découvertes Jacques Breault par Jonas, merci ! Aussi Geneviève Desrosiers, digne de mention. Puis les poëtes classiques rapés avec beat et scratch ! Mais surtout les poëmes de L’avenir furent une révélation qui toucha et suscita cris et émerveillements, merci encore ! Notons ensuite notre premier poëme de silence en seize soirées. Nous n’avons réalisé qu’au moment de l’entendre (ou de ne pas l’entendre) que c’était la première fois en seize soirées où nous avions droit à un poëme de silence, surpris que nous fûmes d’être une fois de plus surpris ! Encore, toujours pêle-mêle, il y eut ce poëme à six dont vous pouvez voir les photos. Les six qui lisaient, chacun sa feuille, se sont dispersés dans la salle et ont marché, ont erré, en lisant à voix haute dans une cacophonie qui tenait de la prière créole, pour ensuite se réunir à nouveau sur scène et terminer tous ensemble le poëme. Il y eut aussi ce monsieur, vieux de 84 ans, qui vivait dans une maison de vieux et qui s’était fait encourager par son fils à venir lire ses textes à notre soirée. Cet homme toucha profondément et directement tout un chacun en lisant ses poëmes sur le thème du souvenir, sur ce que c’est que de vivre avec des souvenirs. Nous nous en souviendrons longtemps, et de lui, et de son sens, et du silence précieux qui s’est à ce moment répandu dans l’assistance. Puis dans la lignée de notre encouragement à la présence de poésie autre que française, nous sommes toujours choyés, et nous voulons ici rappeler cette poétesse qui récita en portugais, sur la guitare classique de Joey, traduit simultanément en français par une autre poëte, et l’enchaînement immédiat de textes en arabe libanais, chapeau, chapeau, chapeau. Rappelons encore cette poëte polonaise, et encore ce conte en espagnol, gestes à l’appui, qui en fit rigoler plus d’un. Comment oublier aussi Yvon Jean accompagné de son ami à la guitare électrique, d’abord sans et ensuite avec distorsion : fucking Led Zeppelin ! ! ! pour de la poésie ! D’ailleurs, parlant de ce notoire Yvon Jean, il nous offre toujours de splendides performances avec musiciens, toujours grave et électrisant, il est jubilatoire et surtout dépourvu de cette superficialité morbide dans laquelle nous en avons vu plusieurs autres sombrer. Et voir cette bohémienne taper sur son clavier au son des vers d’Yvon au point que le clavier en tombe de son pied ! intense.. quoi d’autre ! Aussi Brigitte Caron, fidèle à elle-même, nous la remercions pour ses performances si appréciées du public, à tout coup, simplement à tout coup. Autres évènements qui nous ont décontenancés, ce jeune homme, qui va devant, commence son poëme et soudain en cours de celui-ci, déballe une énigme, en ajoutant qu’il enlèvera un morceau de vêtement à chaque mauvaise réponse du public. Toutefois personne ne trouve la réponse et donc, il se déshabille complètement ! Et termine son poëme qui justifie parfaitement son nudisme ! Ceci s’est passé en novembre. Nous qui pensions en décembre avoir eu notre dose de tout-nu, voilà que dans la première demi-heure de la soirée, un type se lève de sa chaise alors que le micro est tout juste libre et dit : « bon, je vais allé lire », et bang ! d’un coup tout sec, il se déshabille, nu comme un ver et monte sur scène pour lire. Deux mois d’affilés avec des nus, nous eûmes peur en janvier de voir le phénomène se reproduire, de voir une tradition s’enclencher chez Mot de Passe, mais heureusement (ou malheureusement, c’est selon….) il n’en fut rien et lors de la dernière soirée, tout le monde conserva ses vêtements ! Nous parlions plus haut de la musique sur les textes, nous voudrions ajouter que les jams sont d’une perfection maintenant inégalée. À chaque soirée c’est la surprise d’excellence, la coche de plus, que ce soit notre très honorable D.J. Habitant avec trompette et piano offrant une performance de calibre aréna ! ou encore des gens assis dans la salle avec des instruments qui s’improvisent accompagnateurs tout en restant bien assis à leur place, vraiment, la musique et la poésie se sont rarement aussi bien propulsées l’une l’autre. Notons d’ailleurs côté jam ce fameux et ad vitam aeternamement mémorable texte de Jean-Sébastien « I publish in minds » Larouche, avec piano, trompette et caisse claire on ne peut plus parfaitement accordés, jazzy, improvisés et pourtant réglés au quart de tour sur le texte. Croyez m’en, depuis toutes ces soirées que nous organisons, cette performance de la dernière soirée entrait facilement dans le top 3 des évènements les plus miraculeux qu’il nous fut donné d’assister. Extrêmement rarement a-t-on vu autant de gens être collectivement transportés par de la poésie, non pas une ou deux personnes qui s’excitent, mais des dizaines de personnes qui crient à chaque trois mots ! dans un délire d’emportement collectif, semi-conscients d’assister à une manifestation de la parole à nulle autre pareille. Vous savez, il fut un temps où les vers déchaînaient les foules, hydres fantasques d’enthousiasme passionné que l’on ressentait sans retenue, et ce soir-là, nous y eûmes droit, à en rendre jaloux les trente siècles passés ! Cette performance restera à jamais un moment d’éternité, et même le performeur lui-même semblait secoué d’avoir vécu un tel instant, même s’il ne l’avouerait probablement pas. (Nous nous permettons ici de noter que c’est de loin la meilleure performance de Larouche qu’il nous fut donné d’assister, et qu’il est rigolo de voir ce que l’Archie et l’ambiance de la soirée Mot de Passe ont d’influence sur ces poëtes que l’on voit relativement souvent autre part, mais, c’est une supposition, dans des cadres beaucoup trop strict. Un autre exemple fut monsieur Cholette qui nous a offert il y a quelque mois ce qui fut la meilleure performance que nous l’ayons vu faire, et c’est donc dire parmi beaucoup, enfin..) Ces derniers mois il y eu d’ailleurs des textes sur l’Archie-même comme lieu et se fut toujours des moments forts, merci particulièrement à Élise. Quoi d’autre ? Armand qui débarque à 1h45 du matin provoquant un retour au micro avec une énergie nouvelle des poëtes engagés. Les textes inédits toujours aussi présents et dont nous devons remercier les auteurs de nous faire ce qu’il faut appeler un honneur. La manie d’écrire sur place aussi et souvent de lire ensuite est toujours aussi présente. Ajoutons deux moments cocasses pour les intéressés de ce qui concerne le Triumvirat lui-même : la dernière soirée a vu Rodney Noël offrir, selon les présents, sa meilleure performance à date, à 4h30 du matin, devant deux spectateurs et accompagné de deux musiciennes ! et à noter aussi en décembre la performance de Carl Bessette (qui continue soirée après soirée d’offrir ses pistes inédites accompagné de son D.J. et de musiciens) avec l’utilisation mémorablement théâtrale d’un éclair et de nuages sur scène !
Enfin bref, nous arrêterons ici les souvenirs qui nous viennent pêle-mêle, ce sera déjà cela de dit, si vous n’y étiez pas venez plutôt voir par vous-même ! Avant de finir ce message laissez-nous rire. Au Shift de nuit, que nous apprécions, du Festival voix d’Amérique de cette année, deux membres du Triumvirat vont faire acte de présence et demande à l’organisateur s’ils peuvent lire un petit quelque chose, ce à quoi celui-ci répond : « S’il reste de la place oui, mais faite vite la liste est presque pleine », nous répondons surpris : « Ah oui, déjà, il y beaucoup de monde donc ! » « Non, dit-il, c’est que le micro-ouvert est limité à douze personnes » « Ah oui !!!! » répondons nous en un même élan certain, « oui oui, il faut comprendre qu’après, les gens n’écoutent plus, la soirée ne fonctionnerait pas, vous voyez, etc., etc. » Et après s’être fait répondre cela, nous n’avons pas insisté, mais avons eu une petite pensée pour vous tous qui avez assisté aux soirées Mot de Passe. En effet, il est rigolo de se souvenir en autre de la dernière soirée, alors qu’il était 18h30, qu’il n’y avait que le Triumvirat sur place, préparant tranquillement la soirée, et que se présente soudain deux gars, avec l’un d’eux particulièrement agité, qui après cinq minutes sur place, déchaîné, lâche qu’il n’en peut plus, monte sur scène textes en mains, et va lire au micro, enragé de lire alors qu’il n’y a personne dans la salle ! Que quatre personnes présentes ! Et ce type a lu, entamant le bal à 18h30 (!), bal qui ne s’est finalement terminé qu’à 4h30 du matin ! ! ! Et jamais, de 18h30 à 4h30 avec des gens qui lisent, l’attention du public ne fut méprisante pour la poésie. Étonnant, et pourtant, pas tant.
Concluons que nous avons eu à une certaine époque peur de ce que pourrait devenir la soirée Mot de Passe, c’est-à-dire dériver vers le cabaret ou le spectacle. Toutefois, après les dernières soirées, nous sommes plus que jamais rassurés et contents de voir que la poésie est toujours là malgré nos craintes, et qu’il est d’autant plus clair que l’esprit de la toute première soirée Mot de Passe n’a pas été altéré d’un iota, l’esprit que nous espérions est toujours là et s’est même cristallisé, plus aboutis que jamais.
Un membre-organisateur de l’Archie, qui a vécu les années cinquante, les bouleversements des années soixante, les engagements des années soixante-dix, etc. a eu ces bons mots : « L’Archie en œuvre c’est la soirée Mot de Passe. Il se passe quelque chose ici, il se passe quelque chose, on ne sait pas quoi, mais on sait qu’il se passe quelque chose, ça c’est certain certain, comme aux jours de veille de révolution. »
Surtout, en définitive, ce qui est pour nous l’idéal, c’est qu’après une soirée Mot de Passe, on en ressort avec l’envie, le goût d’écrire, l’appétit encore plus prononcé pour la création, et ça c’est la récompense parfaite, et la raison numéro un de notre hâte à la prochaine soirée. Voici voilà, à bientôt.
1 commentaire:
Comme il m'est honneur grand de répondre à cet instant.
Moi, Yvon Jean, que l'on dis poète.
Qui d'ailleurs ne crois qu'en l'absolu, la poésie.
Forme suprême d'art, d'expression, où on est seul avec ses maux, à se défendre pour naître plus fort, phoénixant cycle...
La mouvance de l'Archie est totalitairement unique, sans compromis dans la dentelle littérairement complaisante.
Elle cherche le vrai, l'authentique, l'essentiel.
Fier, ultimement fier-pet je suis donc de faire de ce mouvement parti, moi déjeté depuis toujours.
Je ne taris pas d'éloges a propos de mes poétiques-amis du Triumvirat, ils osent l'inosable, coltaillent avec les démons de la vérité...aussi mensongère fusse-t-elle être.
Quel audace, folie...courage, à croire en ce possible courant nouveau.
Vous avez mon indéfectible soutien, et que poésie surgisse de toute part.
À nos portes ce monde ne demande qu'a changer, ils nous faudras plus d'encres que de sang verser...
Tout ça est si fragile et fort, tout ça est si poétique...et ...vivant...
Je suis prêt au combat, à forcer l'époque à dire son nom...
Avec vous à mes côtés, loin iront mes maux,
forcer à dire leurs...mots...
Moi, de tout temps, moi, poète perclus,
saurez ma voie trouver,
La voie de la vérité, de l'absolu, de la poésie,...la voie de l'archie...
...Yvon...l'indi-Jean...
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