Cette fameuse soirée donc, la dix-septième du nom, au lendemain de la descente des descentes, de quoi eut-elle l'air ? Eh bien, étonnés fûmes-nous donc à nouveau d’être à nouveau étonnés !
La situation au commencement de la soirée était la suivante :
Pas une goutte d'alcool permise sur place.
Aussi, pas de console de son (retournée à son propriétaire qui craignait la perquisition), donc pas de DJ, pas de musique (nous nous débrouillâmes tout de même avec un petit ampli de guitare grincheux et old fucking school, deux entrées, un micro, une orgue, une guitare de gaucher et une caisse claire)
Nous eûmes donc droit à un véritable retour aux sources des premières soirées Mot de Passe, du temps du Dépanneur-Café (lieu honni), alors qu’il n’y avait pas de permis d’alcool et pas d’instruments sinon un piano désaccordé.
Ceci eut pour résultat de faire le tri entre les prospecteurs de débauches et les réels amateurs de poésie. Et en effet, QUE DE LA POÉSIE nous eûmes hier soir, de plein fouet, tout en pureté, sans fioriture, sans cache et double-fond.
Notons aussi que certaines expressions se virent prendre une drôle de tournure, tel que microuvert jusqu’à plus soif… (même sans alcool, ou peut-être grâce à cela, la soirée s’est tout de même terminée à 5h du matin… vous avez bien lu.) La troisième et dernière partie de la soirée, celle des véritables guerriers, nommée ainsi car il y est difficile de garder soutenue l’attention d’une bande ivre d’auditeurs, devenait plutôt la partie des véritables guerriers aptes à garder en salle des gens qui venait de manger cinq heures de poésie d’affilées à boire du thé glacé et du V8.
Ce dont on se souviendra de cette soirée :
D’abord l’ambiance générale. Les évènements étant ce qu’ils sont, personne ne fut averti des péripéties de la veille, ce qui donna une teinte de privilège à la présence, vue l’incertitude de la suite des choses. Chacun y alla de sa participation, et surtout de son émotion d’une peut-être ultime expérience de l’Archie et de la soirée Mot de Passe en son sein. Les moments touchants se sont multipliés, les larmes nous venaient presque. Certains ont écrit sur place des textes de circonstances, certains l’avaient fait l’après-midi ou le matin ayant été mis au courant de la situation, offrant un déversement intempestif de conscience du lieu. Le rythme général fut au quart de tour, malgré l’absence du DJ. La poésie avait sa place, partout. Les silences furent magnifiques, implicitement choisis et surtout sentis par les auditeurs, ressentis par le poëte.
Aussi, hors poésie, on eut droit à une participation complémentaire à point ; numéros de magie époustouflants, avant de reprendre le microuvert au retour d’entractes, - merci d’ailleurs à notre ami Filipe Matos, magicien et illusionniste d’exception. Aussi notre ami qui en était à sa première présence et qui passa la soirée à gonfler des ballons et à en faire des figures, caniches, statues, créatures polymorphiques, merci ! Et que dire de cette acrobate du cirque, jouant avec son équilibre jusque sur le comptoir, sublime, du sublime. La musique aussi, complétant la poésie, merci à tous les musiciens, il y en eut tant (!), nous ne les nommerons pas.
Pour la poésie, que mentionner de ce tourbillon en archipel,
D’abord la présentation de Baudelaire, auteur de la soirée, à hauteur d’habitude. Ensuite mentionnons entre autres, l’âme Quidam, bien en possession de la scène, venu partager dans toute la fluidité de la soirée Mot de Passe un grand nombre de ses textes, dont plusieurs bien sentis dans leur intimité, et reçus comme tel par les gens présents. Les classiques aussi: le strip-tease non-terminé de Mademoiselle de Laval, et les pages qu’elle tournait sur son genou, à quand la suite Brigitte ? à quand la suite ? Les réactions étaient toujours aussi splendides au son de ses farouche22 et Alonzo1. Jocelyn et sa poésie municipale #2, sur Hochlag, toujours aussi à souhait. JSL nous faisant l’honneur et le plaisir d’un texte à ses boss. Yvon avec un texte que nous n’avions jamais entendu, et c’était, selon le Malin, le meilleur texte qu’il eut fait à date (mais où le cachais-tu coquin !). Aussi Yvon, pour ajouter à la présentation de l'auteur du soir, nous fit la lecture de Baudelaire Les litanies de Satan, et tous répétaient en choeur Ô Satan, prends pitié de ma longue misère ! Baudelaire, notre magnifique syphilitique, du nous entendre de là-bas ! Cette demoiselle de Québec bien acharnée à y faire vivre la poésie. Et Mademoiselle Grimaldi allant devant pour lire, et au moment où elle dit ce passage : « Je te quitte. » Jonas au fond de la salle, saoul (semble-t-il, on tient cela du Journal), s’écroule sur une table, la renverse et brise quatre verres ! Silence total. Elle répète au micro : « Je te quitte. » Rire général. Virginie, quelle présence, depuis les premières soirées, nous avons vu l’évolution, de Virginie à Virginie, dans la grâce du nonchaloir, elle est aujourd’hui plus à l’aise devant cinquante personnes qu’il y a dix mois devant dix personnes, c’est magnifique et beau à voir, et quel texte, un souffle à agrandir, à porter plus loin, encore plein de possibles non-avenus. Salutations du commissaire.
Les textes sur l’Archie furent certainement les plus touchants (en plus des témoignages d’affection reçus de toute part). Sébastien BG, merci. Quel travail, quel artiste, quel citoyen. Nous y sommes. Rémi, merci pour tout, prenant la parole sur la maladie, sur les circonstances entourant l’Archie, que tu portes comme un Atlas heureux, ce sont des larmes qu’il fallut retenir, cent fois plutôt qu’une. Merci à toi notre frère, merci, merci, merci.
Les absents y ont aussi beaucoup perdu, petite flèche à Bobb ici, mais que n’as-tu entendu Cadillac Moon (black remix) par Black himself !
Un autre mot attentionné pour deux personnes qu’il faut remercier. Stéphanie Bacher et Larissa Dauphin. C’est deux n’ont jamais lu devant, n’ont jamais publié dans le TakeOut, mais elles étaient là à la toute première soirée Mot de Passe, elles sont venues chaque fois qu’elles ont pu, et elles étaient présentes hier. Que dire… sinon que ça nous touche beaucoup. Merci ! Au plaisir de vous revoir évidemment, expertes en la soirée !
Enfin, pour terminer, nous avons à nouveau remarqué hier un détail que nous n'avons jamais vraiment abordé. Vous devriez savoir, néophytes, que personne n’est jamais présenté à la soirée Mot de Passe, le micro est là, quand il ne s’y trouve personne vous y allez, et vous lisez. Ceci pose tout un chacun sur un pied d’égalité que seule la poésie repositionne, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’invités choisis et donc que l’on doit se sentir obligé d’écouter. Ceci fait qu’il peut être complexe d’obtenir réaction ou écoute des gens, si le texte lui-même ne le sollicite pas, mais ce dont on se rend maintenant compte, c’est aussi que si la poésie est bonne (et c’est bien le seul critère), la réaction et ce que la foule donnera au poëte sont tout aussi extraordinaires qu’il peut en être pénible dans le cas contraire. Le niveau de don et de symbiose entre auditeurs et poëte accompli est d’une efficacité et d’une béatitude qui dépassent la grâce et l’extase. Nous en déduisons que c’est là la cause du nombre impressionnant d’inédits, quoi de mieux pour casser un texte.
2 commentaires:
Je suis allée à l'Archie pour la première fois le 23 février, suite à l'invitation de Yvon Jean. Le hasard n'existant pas, vous y avez présenté Baudelaire, le premier poète à m'avoir embarquée sur un bateau que je n'ai jamais quitté depuis. La poésie de ce local se doit d'être préservée et surtout, votre démarche. Si vous avez besoin d'aide: correspondance administrative, téléphones, paperasses, n'hésitez pas à communiquer avec moi. Je peux vous donner du temps: poesie.poesie@hotmail.com
Well said.
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